Saturday, January 4, 2014

Vers un monde de chiens Vol.1 - All we need is wood ta-tada dada

Après avoir gardé la maison et la cabane de Michel, pris une pause de 10 jours en ville me voilà de retour en cabane. Debbie, pour qui nous avons construit la maison en octobre dernier m'avait demandé de garder ses chiens pendant la période des fêtes. Passionnée elle l'est, organisée beaucoup moins. Elle travaille en ville (à 80Km donc) fait le trajet tous les soirs pour venir nourrir ses toutous adorés. Elle n'a plus le physique pour musher et apprécie grandement faire la fête en ville ou rester avec son copain à une centaine de kilomètres. Ce genre de vie est assez incompatible avec les chiens, j'ai bien pour idée de travailler pendant ces fêtes pour lui rendre la vie plus facile.


Je flirt trop souvent avec le «trop bon, trop con» et je ne suis pas millionnaire. On sait vite que je rends de grands services, mais je commence à poser des conditions pour éviter d'être trop exploité. J'ai un loyer à payer, la possibilité de vivre avec tout le confort. D'un autre coté, certains paieraient cher pour vivre ce genre de «vacances imaginées». Debbie me demande si je peux lui faire du bois et propose de me payer pour cela. En temps normal j'aurai dit oui sans réfléchir et sans hésiter mais je me surprends à lui dire avec mon anglais hésitant : « Il va déjà falloir que je coupe du bois pour moi, je ne sais pas si j'aurais le temps de faire le votre. Et 100$ pour deux cordes de bois c'est pas cher payé ». Voila la première fois de ma vie que je discute argent autrement qu'en disant « Oh je m'en fous ». Je lui rajoute «Plus que de l'argent, je pense à l'essentiel : des bidons d'eau, beaucoup de bidons, de l'essence, de l'huile d 'hiver, de l'huile pour moteur 2 temps, pour le reste j'ai tout ce qu'il faut ».
Arrive le lundi 23, je dois rencontrer Deb pour qu'elle me montre deux trois trucs pour ses chiens. Je prépare mes affaires et me dirige vers Mendenhall. Sur place, personne, de l'eau pour un jour mais déjà gelée, pas une seule bûche de bois, juste un mot disant qu'une de ses amies passera récupérer un chien... En temps normal je me serais certainement inquiété mais après tout nous sommes au Yukon... Je pose mon sac au milieu d'un immense bordel, et sans perdre une seconde démarre la tronçonneuse pour ma petite cueillette. Manger et boire sont deux essentiels mais pour une vie en cabane le bois devient le troisième. Un cabane et son contenu (l'eau entre autres) gèlent vite à -20°C si le poêle ne tourne pas.

Une chienne traînant sa chaîne me passe devant... Elle ne me connaît pas, a l'air très craintive mais vient me voir comme un enfant qui a fait une bêtise. «Bin alors cocotte, tu es en promenade, elle est où ta niche?». Idiot de naissance mais convaincu de leurs meilleurs capacités d'adaptation je m'obstine à parler français à un chien anglophone. Elle descend vers un des terrains à niche, se poste juste à coté d'une vide et attend sagement que je la rattache. J'avais demandé à Deb de me noter les noms sur les cabanes, j'aime connaître au moins le nom de mes compagnons de fêtes de fin d'année. Celle-ci s'appelle Tooshi, j'en profite pour faire connaissance avec ses voisins et voisines. Il y a Leanne a coté qui a d'énormes boules sur le ventre : sûrement un cancer. Certaines niches n'ont pas de nom : j'appellerai donc ces chiens Bobby ou Bobbette. Bien que ça soit l'heure de manger pour eux, ils sont tous très calmes, ce n'est pas toujours comme ça au milieu des chiens de traîneaux. Je n'ai pas de temps à perdre, si je veux les nourrir il faut que je fasse dégeler l'eau et pour ça il me faut couper des arbres.

Je commence déjà à râler : « Comment peut on vivre ici sans faire de bois ? » Marcher avec de la neige jusqu'au cuisse, creuser pour trouver des arbres potables, les couper, débrancher, les porter à la cabane, les fendre, les ranger. Tout ça de nuit et par -20°C. Mais c'est payant, l'eau dégèle et peux enfin nourrir les fauves en commençant par 7 charmants petits chiots. Il est 20 heures, il fait nuit depuis plus de 4 heures, finalement Deb arrive avec de l'eau, de l'essence et 2 bûchettes... «Oh, merci pour l'eau je croyais que vous étiez déjà partie...» lui dis-je. Elle a eu des ennuis avec sa voiture et pour récupérer des affaires - Yukon time... Elle s'excuse de n'avoir ni rangé ni fait la vaisselle. «Ça t embête de garder un chien avec toi ?» Elle me présente la petite craintive et maigrichonne Kluane. «Elle est très difficile pour manger, voudra dormir avec toi. Mais sort la en laisse tu ne la rattraperas jamais, c'est une vraie peste, si tu as des problèmes avec elle appelle Jon». Beaucoup auraient pu se dire «Encore une corvée», mais je suis ravi d'avoir quelqu'un qui deviendra ma meilleure copine ces 2 prochaines semaines.

On se souhaite de bonnes fêtes et me voilà enfin seul. La cabane fait 4m par 5m, un étage, ni eau ni électricité, une gazinière, le double évier sans robinet : le grand luxe des cabanes pour faire sa vaisselle. Il y a aussi un générateur pour faire fonctionner une petite lampe de chevet et recharger mon ordinateur. J'ai également une batterie de voiture et un chargeur, ça me permet de fonctionner en 12V de temps en temps pour sauver de l'essence, l'énergie est aussi précieuse que l'eau mais on ne s'en rend compte qu'en vivant ainsi, loin de la profusion de confort que nous connaissons au pays de l'eau, des robinets magiques, des interrupteurs et de la lumière H24. J'ai aussi un mini panneau solaire qui alimente une petite loupiote mais je ne compte pas trop dessus, le soleil est discret et proche de l'horizon pendant l'hiver. De toute façon, avec plus de 18 heures de nuit, qu'on se le dise, l'homme des bois n'ira pas loin sans sa frontale et son kilo de piles. J'ai investi dans un stock de rechargeables mais garde quelques jeux de piles au lithium bien plus efficaces, surtout par grand froid. J'ai également des bougies de toutes sortes et toutes tailles, elles donnent une lumière bien moins agressives et servent de télé ou de porte d'entrée du royaume des songes pour l'homme solitaire.

Une grande conversation avec Kluane occupera la plus grande partie de ma première nuit. Elle semble perturbée, partagée entre sa crainte naturelle et une immense envie de se faire grattouiller. Elle refuse de manger, vu son poids j’espère que demain elle avalera sa double ration. Elle ne semble pas habituée à la laisse et marche toujours en arrière de moi. Ayant assez de bois pour 2-3 jours je passe l'essentiel de ma seconde journée à écouter la vie de chaque chien. Le terrain est séparé en deux : en bas pour les plus âgés, en haut les plus jeunes (avec quelques exceptions). Tiger-lilly me dit être une leader, Forrest me raconte sa dernière Yukon Quest 300. Rhonda me demande un peu plus de paille dans le fond de sa niche et me prévient, si je ne ramasse pas rapidement les crottes Smoky les mangera toutes, ce comportement canin la dégoûte. Sarah me dit que je ne suis pas prêt de l'approcher et ne dira rien d'autre que « laisse moi tranquille » d'un ton sec et régulier, McKinley me demande de ramener toutes les crottes (son hors d’œuvre favori) devant sa niche et est prêt à échanger sa ration d'eau contre des croquettes supplémentaires.

Deb ne nourrit pas ses chiens de la même façon que Gaëtan. Les croquettes vont sur la niche et l'eau dans une gamelle, chaque chien ayant une ration d'eau et de croquettes qui lui sont propre. Gaëtan lui fait un gros mélange eau/croquettes/viande et tout va dans la gamelle. Son choix est bien plus simple et évite de faire des chiens difficiles. Je suis libre de faire comme je veux m'a t elle dit mais je ne veux pas perturber leurs petites habitudes. Ne courant plus, ils n'ont qu'une ration par jour. En guise de friandise j'ai des têtes de poissons à couper à la hache, elles sont stockées dans un vieux congélateur dans lequel je trouve également le cadavre d'un petit chiot.

Je ne sais pas quel jour il est, ni l'heure, c'est peut être le réveillon de Noël ? Il n'y a rien de plus agréable que de perdre la notion du temps. Kluane ne mange toujours pas, je lui présente ses croquettes à la main mais détourne le regard en disant clairement «tu ne crois tout de même pas que je vais manger cette bouffe à chien!» Elle semble en revanche très intéressée par ma gamelle de pâte au thon, nous partageons donc ce repas ( ¼ pour moi ¾ pour elle ) en regardant Rox et Rouky, ou plutôt the fox and hound qui ne s'appellent ni Rox ni Rouky : une triste révélation difficile à avaler.

Au réveil, je remarque par la fenêtre la petite Tooshi encore détachée... Comment fait-elle ? Par chance elle est très obéissante, je n'ai pas à lui courir après. Je la rattache et vérifie par 3 fois que tout soit correctement en place. Il a énormément neigé ces derniers jours, jamais je n'ai vu autant de neige au Yukon, Whitehorse a d'ailleurs battu un record mais les citadins ont la chance d'avoir tous les camions qu'il faut pour déneiger.

Il ne me reste plus qu'un bidon d'eau, je décide donc d'aller faire le plein malheureusement ma voiture est sous un tas de neige, il y a plus de 50cm de poudreuse sur les 200m de chemin qui me sépare de la route. Confiant, sûrement trop, j'essaie de la déplacer mais il me faudra un tout petit peu plus d'effort. Le stressé que j'étais se serait assis, désespéré en se disant que la tache à accomplir est celle de 10 hommes, mais le Sourdough qui sommeille en moi décide d'aller chercher la seule et unique mini pelle qui traîne et commence à dégager la voiture. A ce rythme je considère en avoir pour 2 jours de déneigement a temps plein pour espérer sortir et rejoindre un robinet. Je tente donc une autre solution : je récupère une luge que je charge de deux bouteilles de propane et commence à faire des dizaines d'aller-retour pour tasser la neige, et finis ainsi enfin par rejoindre la route 6 heures plus tard. Vous pourriez me dire «Et faire fondre de la neige pour ton eau?», effectivement cela peut être une solution de secours mais il faut une énorme marmite de neige pour faire un petit verre d'eau, seul ça pourrait marcher mais pas avec 25 chiens. De plus si je ne déplace pas ma voiture, c'est au printemps que je la récupérerai.

Je remarque le voyant d'huile de la voiture qui commence à s'allumer. L'hiver est violent sur la mécanique, j'ai un fond de bouteille qui traîne dans le coffre, mais par ces températures l'huile ressemble plus à du chewing-gum. Arrivé à la bâtisse des pompiers pour faire le plein d'eau, la moitié de mes bidons ne s'ouvrent pas, les bouchons sont gelés il me faut donc les laisser dans la voiture en faisant en petit tour pour les réchauffer. La loi de l'emmerdement maximum est née dans ces contrées, et j'en souris. 140L d'eau récupérés je retourne à la cabane, gare ma voiture au plus proche de la route cette fois et commence les aller retours en tirant/portant le précieux liquide pour le ramener prêt du poêle (qu'il faut rallumer) . Le sport de la journée est fait. Un moment d'inattention et Kluane en profite pour s'échapper comme une flèche pendant que je suis chargé avec 20Kg dans chaque main... «Et merde !!!! Shit happens...». Hors de question de lui courir après, elle reviendra quand elle aura faim et ce moment coïncide parfaitement avec la préparation de ma popote : pas bête l'animal ! La confiance s'installe grâce a ce petit incident, dorénavant je la laisserai faire sa vie et n'utiliserai plus de laisse.


Le jour suivant je me lève avec la ferme intention de ne pas glander comme j'ai fait jusqu'à maintenant. J'aiguise la tronçonneuse et resserre la chaîne, en buvant mon café. Heureux de démarrer l'engin comme les vrais bûcherons, ma jambe passe au travers d'un tas de branche ensevelies sous la neige et je parviens difficilement à me dégager. Si un vrai homme du nord me voyait il rigolerait bien, mais pour l'heure seul un écureuil se rit de moi. Le temps passe au rythme des pleins d'huile et d'essence. J'apprends vite l’intérêt de faire son bois l'hiver plutôt qu'à l'automne : ramener sa cueillette avec une luge optimise le rendement. Ceci permet de rapidement tracer des chemins et de tasser la neige pour faciliter l'accès au carburant. Je regarde la pile grossir plein de satisfaction mais je n'arrive pas à m’arrêter et me dis à chaque fois «Aller, juste une dernière fournée»... La faim me rappelle à l'ordre, il est 3 heures du matin quand j’éteins la tronçonneuse : heureusement que je n'ai pas de voisin. Insomnies et Yukon n'arrangent définitivement pas mon cas.

Les jours se suivent et se ressemblent : déroutant pour quelqu'un qui cherche à fuir la routine. Réveil, lampe frontale, chaussons, laine, ne pas tomber de l'échelle, ne pas se cogner la tête, bûche dans le feu, ouvrir la porte et faire sortir Kluane, faire bouillir de l'eau pour le gruau et le café, faire cuire des œufs, aiguiser la tronçonneuse. Chaque petites dents de la chaîne aura un dur travail, on finit par les reconnaître : celle qui est cassée, la série de pliées qui ont du taper une roche. Chaque coup de lime prouvera son intérêt : facilité l'effort à fournir, économiser son dos, de l'essence, et la mécanique. Une fois le petit déjeuner avalé, je sors en pantoufle et pyjama marquer mon territoire devant le tas de bois. «Je vais te faire grossir mon ami», lui dis-je d'un air assuré malgré la dose non négligente de café dégoulinante dans ma barbe.

Je remarque une booty (petit chausson pour les chiens de course) orange fluo traîner à coté du tas de bois. En levant le regard j'en remarque un peu partout dans le yard au milieu des chiens... Kluane a du trouvé la caisse à booties... Un petit tour au milieu des chiens pour les ramasser, je remarque un curieux message dans le bordel de ma jeune compagne : un chemin à suivre clairement marqué. Il évite certain chien et m'amène directement devant la niche de certains. Eux regardent la booties posée sur la neige sans broncher. L'auteur me regarde campée sur ses pattes avant prête à courir faire la folle, la queue remuante avec un petit air de «Alors ? Tu sais les nourrir, ramasser leurs merdes mais.... On va le faire courir un peu?!». «Non Kluane, je ne vais pas faire ça, espèce de coquine, j'y connais rien, avec ma chance légendaire je vais lâcher le traîneau et perdre tous les chiens...». Il faut se rendre à l'évidence, seul dans le bois on a besoin de parler, aboyer pour communiquer ne suffit pas. Le message passe, la petite excitée se calme instantanément et vient s’asseoir à coté de moi en réclamant des gratouilles : quelle petite charmeuse.

Un corbeau vient se poser au dessus de nous et commence sa série de vocalise digne d'un professeur de perroquet, je m'exerce avec lui :
  • Quelles sont les nouvelles de environs Colonel Raven ?
  • Les ours dorment, les rats musqués et castors somnolent, les orignaux ont les pattes dans la neige.
  • Ok, parfait, c'est l'hiver ! Et pour la ville ?
  • On tient toujours la décharge et les poubelles des grandes surfaces, les mouettes sont encore à 4 mois plus au sud. Après cela il faudra leur abandonner ces postes stratégiques.
  • Ok, parfait, c'est l'hiver et pourvu qu'il dure.
  • Belle pile de bois, mais peux mieux faire.
  • Merci Colonel, j'y travaille.

Sommes nous fous si nous parlons à d'autres animaux ? Si on imagine ou croit en une réponse ? En tout cas mon besoin de communication semble se combler ainsi. Les yeux rivés dans la neige, assis au milieu de ces troncs d'urine, Kluane se poste devant moi et aboie d'un ton interrogatif pour m'extirper de ces songes et questions sans intérêt. «Ok ok, laisse moi 2 minutes je vais chercher mes raquettes et on va aller se promener». Elle me répond d'un «Waf» plus qu'affirmatif, suivent une série de petits sauts et un battement de queue enthousiasmé. C'est la première fois en une semaine que je l'entends aboyer - je crois que nous sommes potes.

Je me réveille, Kluane piétine en bas, elle regarde par le trou menant à l'étage. Il fait jour : il doit être tard. Le ciel est magnifiquement bleu, il doit faire froid – une journée parfaite pour fendre du bois. J'ouvre la porte Kluane sort pour sa pissette, le feu est éteint je n'ai même pas mon petit stock de bois et bûchettes rallume-feu. Il reste juste un fond d'eau dans la bouilloire, il va falloir choisir gruau ou café. Il y a du laisser-aller dans la vie de cet homme des cabanes, mais la pile de bois est rassurante et de la neige fondue fera l'affaire pour mon gruau. Aujourd'hui c'est mission eau et elle ne pourra pas être pire que la précédente. Nul besoin de prévoir quelque chose pour sa journée, elle se comblera naturellement.

Je passe chez Irene, le petit café de la communauté. J'apprends que nous sommes le 31 décembre et qu'une petite fête est prévue pour l'occasion. J'ai juste le temps de retourner à la cabane, choisir mes vêtements les moins crottés. Un lessive serait la bienvenue pour cette pile de vêtement et son propriétaire. Prêt à retourner pour la soirée du réveillon je stop net devant mon tas de bois... Il a perdu du poids ces derniers jours, je dois bien avoir une petite heure devant moi avant que la bouffe ne disparaisse chez Irene.

Ca fait du bien de voir du monde, j'ai toujours aimé voir les gens s'amuser. Je me sens invisible observant le petit jeu des relations humaines. Dans cette pièce je suis celui qui reste assis, seul devant une foule dansante... Le voilà donc ce réveillon, j'en aurai fêté autant mon père vivant que mort mais ils ont un goût amer depuis. C'est devenu systématique, si cette nuit est un jour de fête planétaire, il est pour moi un jour dédié aux sombres et confus souvenirs. Des au revoir manqués peuvent laisser une blessure difficilement cicatrisante. C'est une cigarette qu'il me faut, dehors, le froid, la neige, du calme sinon je ne tiendrai pas jusqu'à minuit.

Ca fait une dizaine de jours que je ne suis pas retourné en ville mais j'ai eu ma dose de relation sociale pour le mois de janvier. Il ne me reste plus que quelques jours dans cette cabane, ma soif de bois doit être étanchée. Quand la travail à la tronçonneuse devient machinal, mon neurone reprend ses tergiversations. Est-ce ce genre de vie que je veux ? Est-ce que si mes proches pensent à moi il m'imaginent en train de faire mon bois dans un trou perdu d'une contrée perdue ? Cette expérience du prix de l'énergie et de la goutte d'eau n'est elle pas suffisante ? Pourquoi tout le monde aspire à avoir une grande et belle maison alors que le strict minimum est plus qu'assez ? Est ce que les chiens font des plans de la niche de leur rêve comme je fais ceux de ma future cabane ? Les œufs de moustique sont-ils prisonniers dans la glace ou au fond pendant l'hiver ? Sur une échelle de la douleur allant de 1 à 10 comment noterai-je la sensation de cette lame passant au travers de ma chaussure et mon pied ? Existe-t-il une hauteur idéale pour une pile de bois ?

Il y a ce vieux carnet de notes, il me suit depuis le début de mon aventure canadienne. Des écrits au milieu de mots solitaires gribouillés. MANQUE, DÉTACHÉ, LIBERTÉ, ATTACHEMENT, PRISONNIER, OUBLIER, SOLITUDE, MÉDITER, Hommes (écrit en tout petit), NATURE (écrit en gros), INVISIBLE, DISPARAITRE, ÉQUILIBRE, NORD reviennent sur la plupart des pages. Relire mes notes me fait peur, elle sont parfois écrites comme s'adressant à moi-même, m'ordonnent d'aller au lit souvent. Elles sont rarement joyeuses pourtant je suis heureux. Existe-t-il une fin aux introspections ? La vie en cabane y aide-t-il où les influence-t-elle ? Pourquoi les cabanes dans les bois font-elles tant rêver ?

J'apprends par mail que Deb arrivera après-demain – ça me laissera encore un peu de temps pour faire du bois. Après une nouvelle pause en ville de 10 jours j'irai chez Gaëtan 1 mois garder ses chiens. Une bien meilleure organisation, moins de chien, de l'électricité : ça va être un jeu d'enfant...

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